adresse et remerciements Petits Lieux

La littérature

Janvier 1998: l'éditorial de Suzanne Ferry

Les bouteilles vides sont dans les collecteurs; les voeux ont fait long feu.

En ce premier billet de l'année, l'heure est plutôt à la réflexion… Déjà, les esprits chagrins parlent des catastrophes de l'an 2000. Fi des terreurs moyenâgeuses, gardons la tête froide et le coeur bien au chaud. Demain sera ce que nous en ferons, chacun à notre place.

«Être des allumeurs d'étoiles.» Agir, réagir (il y a révolution quand il n'y pas évolution). Accueillir, même et surtout les autrement. «Si je diffère de toi, loin de te léser, je t'augmente.» disait Saint-Exupéry.

Et la chanson dans tout ça? ça va bien, merci, même si l'année commence par du jeune théâtre (voir programme à l'intérieur.)

Les prix littéraires

Le travail du jury est toujours chose ingrate: choisir, c'est écarter. En plus, on le soupçonne souvent, à tort ou à raison; quel membre de jury peut se vanter de n'avoir jamais dit, au moins une fois «Si ça n'avait tenu qu'à moi…»

Les critères d'élection ne sont pas que superposition des goûts de chacun, même si la subjectivité est inéluctable. Doivent être pris en compte, tout d'abord, les qualités de style, d'originalité, d'intérêt général, ensuite, l'avis des critiques et enfin l'intérêt du public. La durée, justifiée ou non, de cet intérêt contient peut-être quelques injustices, mais reste une réalité.

C'est le prix Nobel qui est le plus ancien. En 1901, il est attribué à Sully Prudhomme. Celui de 1911 récompense le Belge Maurice Maeterlinck.

Le premier prix Goncourt alla, en 1903, à John-Antoine Nau pour son livre Force Ennemie. Un des plus marquants: La Condition Humaine de Malraux en 1933.

1904: premier prix Fémina. Il récompense La Conquête de Jérusalem de Myriam Harry. Notre compatriote Françoise Mallet-Joris est lauréate, en 1958 pour L'Empire Céleste. Les femmes constituent un tiers des élus du Prix Fémina.

C'est en 1918 que le premier Grand Prix de l'Académie Française couronne Gotton Connixlo de Camille Meyran. En 1936, Bernanos: Journal d'un Curé de Campagne; en 1939, Saint-Exupéry: Terre des Hommes.

Le premier Renaudot a élu, en 1926, Armand LUNEL pour Niccolo Parrovi. Quel étudiant n'a séché sur La Modification de Michel Butor (1957)?

Le dernier des prix littéraires, le Médicis, vit le jour en 1958. Son premier lauréat fut Claude Ollivier pour son livre La Mise en Scène.

Petit exercice: quels sont les prix, attribués en 1997, qui vous restent en mémoire?.

  • Nobel: Dario Fo pour l'ensemble de son oeuvre.
  • Goncourt / Grand Prix de l' Académie Française: P. Rambaut, La Bataille, Grasset.
  • Fémina pour la France: D. Noguet, Amour Noir, Gallimard; pour l'étranger: Jia Pinguwa, La Capitale Déchue, Stock.
  • Renaudot: P. Brückner, Les Voleurs de Beauté, Grasset.
  • Médicis pour la France: Philippe Le Guillou, Les Sept Noms du Peintre, Gallimard; pour l'étranger: T.C. BOYLE, America, Grasset.
  • Interallié: Eric Neuhoff, La Petite Française

(Nous n'avons trouvé aucune documentation sur l'Interallié, si ce n'est qu'il est récent. Nous attendons vos informations éventuelles.)

Clins d'oeil

  • «Cette fille ne prenait du caractère que lorsqu'on l'étendait sur La Bruyère.» (Frédéric Dard)
  • Il me souvient du goût de l'interdit qui décuplait le plaisir de découvrir Colette en cachette, quand nous fréquentions les Ursulines. Paul VI mit fin, en 1966, à ces délicieuses sensations d'adolescentes en supprimant l'Index, cette liste où tant d'artistes virent leur oeuvre inscrit: Pascal, Voltaire, Gide, Sartre…
  • Consolez-vous: la Vie, première valeur qui entraîne toutes les autres, la vie est semblable au commun des mortels… elle n'a pas de Prix.

Chronologiethème

Novembre 1998: l'éditorial de Suzanne Ferry

Qu'il soit de soie ou de satin
Orné de fleurs, peint à la main
Ou tout bonnement de toile blanche
Il fera d'une simple planche
Un lieu douillet où l'on est bien
…le coussin

Mais s'il tombe en des mains brutales
Qui exercent leur toute puissance
Au nom de ce qui est légal
Punissant même l'Innocence
Plus rien ne peut rendre banal
…le coussin

C'est plutôt bas que de prétendre
Qu'il n'est pas de façon plus tendre
De renvoyer vers leur destin
Ces mal aimés, menottes aux poings
Avec des coups de pied au ventre
Taisant leurs cris
…sous un coussin.

Federico Garcia Lorca (1899-1936)

Artificier somptueux et précis de l'étincelle métaphorique, Lorca souligne que l'éternité d'un poème dépend de la qualité et de la texture de ses images.

«J'ai le feu dans les mains et je travaille parfaitement avec lui.» Ce poète, amoureux de l'instant, réceptif aux mille exhortations des choses et des êtres, improvisateur fou de rythmes et de mélodies, affirme: «s'il est vrai que je suis poète par la grâce de Dieu - ou du démon - iI n'est pas moins vrai que je le suis tout autant par la grâce de la technique et de l'effort.»

Federico Garcia Lorca est lié en 1899 à Grenade. Il a vécu les dix premières années de sa vie en milieu agricole. Il a l'esprit vif, observateur, inventif. Il est physiquement peu agile. «Mon enfance, c'est la campagne, les herbes, les champs, la solitude, la simplicité en fin de compte.»

A 20 ans, il s'installe à Madrid et s'intéresse aux recherches de l'avant-garde espagnole. Etudiant, il fut surtout reconnu comme pianiste. Influencé par Manuel de Falla, il écrit de nombreuses mélodies. Il s'essaye à la peinture et au dessin. C'est comme poète qu'il entre dans la légende: poète de la mort, marqué à jamais par la perte de son ami torrero lgnacio Sanchez Mejias (A las cinco de la tarde).

L'oeuvre de Lorca se présente en deux pôles distincts: d'une part, celui des poèmes de jeunesse qui traduisent déjà son goût enraciné dans la sève populaire, concrète et chaleureuse, d'autre part celui, plus novateur, du poète et dramaturge où les éclats multicolores en font un des auteurs les plus incisifs de la modernité poétique.

Il étudie le droit mais sait qu'il ne sera jamais avocat. En 1929, il part pour New York où il est accueilli à bras ouverts par la communauté espagnole. Il n'a pas d'argent, mais énormément d'amis. Là, il exprime, comme jamais dans ses poèmes, son engagement envers les faibles: les noirs, les gitans de son pays, les femmes face aux comportements machistes et les homosexuels. On ne peut comprendre Lorca sans considérer son homosexualité. Il connaît la tragédie de l'amour qui ne peut s'appeler par son nom. Il avait du charme par une certaine contradiction entre son corps lourd et l'expression étonnante de ses yeux profonds et de sa voix rauque. Dali parlera de cette irrésistible attraction de Lorca.

Mais, à Grenade où il revient écrire ses dernières pièces: Noces de Sang (1933), Yerma (1934), La Maison de Bernarda (1936), le fascisme gagne en force en même temps que l'hostilité à son égard, accrue par une interview où il affirme que «s'agite la pire bourgeoisie d'Espagne.»

En '36, la répression fait des milliers de morts. Il est arrêté, lui dont l'unique combat est la défense des plus faibles, lui, l'adversaire farouche du nationalisme patriotique. Il est arrêté pour son appartenance au Front Populaire, pour son amitié avec Fernando Del Rio et pour son homosexualité. Il est assassiné le 19 août au pied d'un olivier.

C'est le poète espagnol le plus traduit de tous les temps. De nos jours, sa poésie et son théâtre sont célèbres et appéciés dans le monde entier malgré la terrible barrière de la traduction. «Lire Lorca, c'est participer à l'un des plus fabuleux carnavals de mots né de la plume d'un poète» (J.-P. Rosenay).

Chronologiethème

Janvier 1999: l'éditorial de Suzanne Ferry

Les bonnes nouvelles…

…se transmettent par téléphone, les autres par lettre. C'est donc sur les ondes hertziennes que glissa jusqu'à nos oreilles le message de Monsieur Steurs. Merci à lui, à la COCOF et à son Ministre, Monsieur Gosuin. Merci d'avoir été attentif aux «on dit» et de s'être informé de nos activités. C'est un fameux coup de pouce moral.

Merci aussi à notre public qui, depuis la rentrée de septembre, est de plus en plus fidèle.

Merci enfin à tous les artistes qui ont pu faire accrocher le quotidien aux étoiles, la grisaille aux puissances du rêve.

Vive l'an neuf neuf neuf

La littérature russe

La Russie ancienne se nourrit longtemps de poésie orale. L a première oeuvre littéraire proprement dite naît à la fin du XII° siècle. C'est la chanson de geste Dits de la Troupe d'Igor, «monument isolé dans le désert de nos lettres anciennes», déclare Pouchkine!

Le règne de Pierre Legrand (1672-1725) ouvre la Russie aux influences de l'Ouest. Les précurseurs fraient la voie à Derjavine, le plus grand poète du XVIII° siècle.

Une explosion unique dans l'histoire des Lettres se produit au XIX° siècle. La littérature russe rattrape son retard sur celle de l'Europe. En quelques décennies, elle se hisse au premier rang des lettres occidentales. La première moitié forme l'âge d'or de la poésie (Pouchkine, Baraynski, Lermontov). La deuxième moitié voit l'essor de la prose avec Dostoïevski, Tolstoï, Tchekov…

Le romancier russe, toujours en quête de vérité et de justice, entretient avec le pouvoir autocratique d'abord, totalitaire ensuite, des rapports difficiles, parodiques. Mais, engagée ou non, la littérature russe reste empreinte de compassion et de spiritualité. L'âme russe y est montrée obligatoirement obscure, extravagante, tourmentée. Pourtant elle est, avant tout, faite d'humour tranquille, du goût de l'harmonie et de quête du bonheur.

Qui n'a en mémoire les classiques russes vulgarisés par le cinéma et le théâtre? Le Revizor de Gogol fut tristement rendu à l'actualité par l'incendie du Théâtre du Parc. Mais pourriez-vous attribuer plus de huit oeuvres connues à l'auteur sans vous mélanger les pinceaux? Voici un rappel de quelques oeuvres maîtresses.

La littérature russe en sept auteurs

Pouchkine (1799-1837). Influencé par Byron. Meurt à 38 ans en duel. Pouchkine voulait «dire simplement les choses simples» (Eugéne Onéguine, La Dame de Pique, La Fille du Capitaine).

Nicolas Gogol (1809-1852). Sut évoquer avec humour le folklore de son pays. Pittoresque et fantastique (Le Journal d'un Fou, Le Révizor, Tarass Boulba).

Fiodor Dostoïevski (1821-1881). Montre, dès ses premiers romans, sa pitié pour les opprimés. Générosité angoissée et un tantinet masochiste (L'Idiot, Crime et Châtiment, Le Joueur, Les Frères Karamazov).

Léon Tolstoï (1828-1910). Contradiction intérieure continuelle entre la vie facile qu'il menait et sa doctrine morale exigente (Guerre et Paix, Anna Karénine, Mort d'Ivan Illitch)

Anton Tchekov (1860-1904). Conteur, novelliste, dramaturge… et médecin. Un miroir fidèle de la société (Ivanov, La Mouette, Oncle Vania, Les trois Soeurs, Les Méfaits du Tabac, La Demande en Mariage).

Boris Pasternak (1890-1960). Poète et romancier. Rendu célèbre dès 1922 par Ma soeur la Vie. En désaccord avec la poésie officielle, il se consacre à la traduction puis revient à la création avec Le Docteur Jivago (interdit en URSS)

Alexandre Soljenitsine (né en 1918). Douze ans d'exil (45-57). Il écrit sa première oeuvre en 1954. Amour lucide de son pays (Le Pavillon des Cancéreux, L'Archipel du Goulag, Une vaste Fresque historique).

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Mars 1999: l'éditorial de Suzanne Ferry

Il aura trois ans ce 20 mars… Joufflu comme un bébé gonflé de tendresse et qui sourit tout le temps.

Il faut dire que, depuis sa naissance, il est imbibé de musique, de poésie, d'humour et de pierrots lunaires qui l'entourent d'affection.

On ne fera pas de bilan; on l'a déjà fait, d'ailleurs: combien de spectacles, de chanteurs, musiciens et autres comédiens?

Qu'importe. C'est Bécaud qui dit: «Quand on n'aime, on compte pas.»

L'essentiel, c'est qu'on franchisse la porte du 22bis plein d'allégresse, qu'on y vive plein d'émotions, qu'on en ressorte plein de rêves et d'amitiés.

Merci les amis… Car sans vous…

Ce cher Norge (Georges Mogin, 1898-1990)

Pour cerner le personnage de ce poète hors du commun, tellement original, prolixe, simple et complexe à la fois, nous avons décidé de puiser l'essentiel de nos informations chez Monsieur Jean Tordeur. Il transparaît, dans l'introduction de l'ouvrage Norge, OEuvres Poétiques (Seghers Ed., 1978), tant d'affection, et d'admiration qu'on ne pouvait choisir «plus vrai.» Jean Tordeur a longuement côtoyé Norge. Il mélange donc intimement l'homme et le poète, ce qui nous semble indispensable pour approcher celui dont l'humanisme n'a d'égal que son génie à nous faire apprécier la saveur des mots. Allant du fantastique débridé au quotidien le plus concret, il est amoureux du bonheur et du plaisir, n'ignorant rien de sa souffrance.

Sa biographie, nous la brosserons en quelques traits. Elle a eu peu d'impact sur l'œuvre, mise à part, bien sûr, la prime enfance en pays wallon: son grand-père qui lui racontait des histoires graves de fourmi, sa maman tout imprégnée de sa culture profonde en Hainaut charbonnier, faite de bon sens et d'adéquation.

Issu d'un milieu bourgeois, il est, comme son père, marchand drapier, modestement d'abord, «en grand» par après. De vingt à cinquante ans, Norge puisera richesse d'humanité dans ses contacts avec les clients. Au début, il circule à vélo et joue de son charme - qu'il a grand - pour revenir le soir, le carnet plein de commandes. Parallèlement, il fréquente déjà les milieux «artistes.»

Il se marie à l'âge de 22 ans. Son fils, Jean Mogin, un autre «grand» de la poésie belge, épousera la poétesse Lucienne Desnoues. A partir de la cinquantaine, avec sa deuxième épouse, le peintre Denise Perrier, il fait commerce d'antiquités à St-Paul de Vence. Il possède un atelier, est artisan de qualité. Ses doigts passent de l'outil à la plume, de l'assemblage des bois précieux aux assemblages de mots qui se bousculent la place sur de petits bouts de papier.

Il ne s'attarde pas à la recherche métrique de la rime riche, de l'hémistiche irréprochable et ciselé. De notre côté, nous ne chercherons pas à refondre un texte pour qu'il paraisse nôtre et prélèverons à Monsieur Tordeur les quelques phrases qui paraissent essentielles ici:

Lectures et souvenirs sont habités de son rire, de sa liberté et de sa pudeur, de son amour du jeu, des charades, du déguisement de son exigeante passion des hommes, de sa passion des objets, de sa passion des mots, de son humour féroce, de sa gravité.

Il est rare qu'un homme suscite de pareils élans, spontanés, unanimes. Il ne peuvent prendre naissance qu'autour de quelqu'un en qui l'homme prouve l'œuvre autant que l'œuvre prouve l'homme. Peu d'êtres sont aussi entièrement ce qu'ils disent, ce qu'ils écrivent, ce qu'ils pensent. Norge est d'audace et de mesure, de provocation, et d'obéissance, de manger et de boire.

Voilà, les mots que vous venez de lire sont tous mots d'amour. Puissent-ils vous rendre au moins curieux de le connaître davantage, si vous ne l'avez pas encore rencontré, ce Norge bien aimant et tellement bien aimé.

Nous n'alourdiront pas ce billet d'une bibliographie. Nous la tenons bien évidemment à votre disposition. Hélas, beaucoup d'œuvres sont au rayon «épuisé.»

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Mai 2004: l'éditorial de Suzanne Ferry

Nous avons commencé, ce printemps, notre neuvième saison; un bail se termine bientôt, que nous sommes prêts déjà à prolonger. Mais pour que la magie s'opère, nous avons besoin de vous, cher public, qui venez à la rencontre de ceux qui ne demandent qu'à s'exprimer et vous attendent avec leur sac à malices, à magie, à merveilles. Nous profitons de cette fin de saison pour remercier les uns et les autres de tout ce que vous nous avez apporté cette année et d'avance, pour ces demains à vivre le plus intensément possible.

Pour la première fois, à l'invitation des organisateurs des Fêtes de la Musique, le Cabaret aux Chansons participe aux activités en temps que programmateur. Nous prolongerons donc nos soirées des 18 et 19 juin (les Stars et Gil Bréac) pour prendre le relais des festivités musicales de la Grand'Place et ce, vers 23 h.

Des nouvelles de la Biennale : Les quarts de finale se déroulent comme prévu. Les demi-finales sont fixées au samedi 5 juin à 20 h et au dimanche 6 à 18 h (Espace Delvaux). La finale se déroulera le samedi 11 septembre aux Halles de Schaerbeek.

Une surprise de taille pour le samedi 18 septembre. Réservez dès à présent pour ce chanteur qui nous fait l'immense plaisir de venir chanter chez nous. Étant superstitieuse, je ne vous dévoile pas encore son nom. Vache et limace seront en bulle ce soir-là.

Merci à notre fidèle Monique, mais aussi à Albert et Marcelline pour leur aide précieuse au bar ainsi qu'à tous ceux qui renforcent l'équipe occasionnellement.

Liliane Wouters: Belge et poète

L'authenticité ne craint ni les contrastes, ni les contradictions. - Jean Tordeur

La Belgique est terre fertile pour les arts. On dit communément qu'elle compte, au km², le plus grand nombre d'artistes de tout poil : arts graphiques et de la scène, BD, littérature, poésie. C'est de l'un de nos poètes que nous voudrions vous entretenir : Liliane Wouters. Nous avons eu l'honneur de sa présence au Cabaret; elle accompagnait Madame Françoise Mallet-Joris lors du concert d'Olivier Runel.

Bien sûr, nous nous souvenions de la pièce de L.W. La Salle de Profs qui a connu un franc succès il y a quelques années, nous avions lu quelques poèmes en fréquentant l'Académie, mais l'idée nous vint de puiser plus avant dans son œuvre. Quel plaisir et quelle découverte ! Nous nous sommes plongés particulièrement dans le dernier recueil (imprimé en 1997; éd. Les Eperonniers) Tous les Chemins mènent à la Mer qui regroupe 6 recueils de 1954 à 1992.

Dans sa préface, Jean Tordeur nous retrace les étapes importantes du parcours de L. Wouters.Il souligne le paradoxe et le défi des débuts de son aventure poétique. "Dès la naissance, elle est abreuvée aux sources des deux langues : à l'école, le français; le patois flamand au logis, dans la famille – milieu modeste, sérieux, sans fantaisie, peu ou pas de livres, sauf le Petit Larousse, à l'origine de sa passion pour l'histoire." A sept ans, elle écrit ses premiers vers et affirme qu'elle sera écrivain. A 13 ans, ses amies jouent les petites pièces qu'elle écrit. Elle décide de devenir institutrice et enseignera durant 30 ans à Bruxelles. A 22 ans, elle envoie ses premiers poèmes à Roger Bodart qui l'encourage et signe la préface de son premier recueil La Marche Forcée pour lequel elle reçoit quatre prix dont celui de La Nuit de la Poésie (Aragon, Cocteau, Fouchet, Audiberti, entre autres, font partie du jury.)

  • Obtient le prix Michot en 1961 pour Belles Heures de Flandre, adaptation de poèmes flamands du Moyen Âge, commandée par Pierre Seghers
  • Prix Triennal de Poésie en 1962 pour Le Bois Sec.
  • C'est pour le Rideau de Bruxelles qu'elle écrit sa première vraie pièce Oscarine ou les Tournesols créée fin 1964 sur une musique de Julos Beaucarne.
  • En 1967, Prix Louise Labé pour Le Gel.
  • 1976: écrit à la demande de Jacques Antoine Panorama de la Poésie Française de Belgique.
  • 1979: Vie et Mort de Mademoiselle Shakespeare sur l'initiative d'Albert André Lheureux.

Devient Présidente de la Promotion des Lettres.

  • C'est en 1983 que fut créée à Mons La Salle des Profs. La RTBF en produit le téléfilm. En 1984, elle reçut le Prix André Praga.
  • Téléfilm L'Équateur en 1987.
  • En 1989, Grand Prix de Poésie à Paris et Prix Charles Plisnier pour Le Jour de Narval.
  • Prix de la COCOF en 1990. Création de Charlotte ou la Nuit Mexicaine.
  • 1991 : Prix Triennal de la Communauté Flamande.
  • 1995 : Prix Montaigne à Hambourg.
  • 1997 : Membre de l'Académie Européenne de Poésie à Luxembourg.

Quel parcours ! Et depuis, notre poète continue traduction de poèmes et pièces en cours.

Aragon parle en 1956 déjà de "la maîtrise qu'elle possède du vers français. Alain Bosquet, en '91, parle de "la femme poète la plus puissante et la plus riche en sonorités claires, sachant conjuguer les échos d'une mystique ancienne et les précarités de la chair."

"La Marche Forcée, son premier recueil, ne manquait ni de gravité, ni d'interrogations déjà dramatiques, mais dans une sorte d'allégresse juvénile, Le Bois Sec, deuxième recueil, montre que, de toute manière, un choix doit s'opérer entre les pulsions majeures et opposées qui la déchirent. Il semble qu'elle sépare dorénavant les domaines de la foi et de la poésie. D'une part, elle affirme : "Quelqu'un - c'est celui que j'aime – vit en moi plus que moi-même." Dans les Psaumes de la Colère, son ton est différent. "Il te faudra courber le front sous mes reproches." Enfin le voilà mort… mais comme il a grandi… il prend toute la place… il vit par contumace…"

Des textes comme Le Gel avec leur bouleversante sincérité et leur puissance d'expression sont faits pour durer. Douloureuse ou rayonnante, la passion y parle d'une manière si sensible qu'elle peut toucher le lecteur le plus simple comme le plus averti ("Ma vie, offrande où j'immole Tout au vent de la parole"). Le Gel est un sommet et, pendant 17 ans, une fin car une nouvelle forme d'expression s'est ouverte pour elle : le théâtre, seconde carrière qui, de succès en succès, se prolonge à ce jour.

Tout l'œuvre de Liliane Wouters, abondamment émaillé de métaphores et de symboles (coffre à secrets des poètes) est surprenant de limpidité. Pour le plaisir vécu par la métrique, le mot et les images, je vous invite à sa poésie. Merci Madame Wouters.

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Novembre 2007: l'éditorial de Suzanne Ferry

L'asbl «atoutazart» est un collectif d'artistes regroupant plasticiens, musiciens et comédiens. atoutazart se veut une piste de lancement avant tout. Nous vous proposons leur programmation du 9 novembre au 1er décembre. Ces artistes sélectionnés par atoutazart ont déjà, pour la plupart, été programmés au Cabaret. C'est vous dire si on les aime: une brochette de talents divers à découvrir ou à redécouvrir avec délices.

Le prix pour un concert est de 4 € mais le Pass Festival est de 10€ (pour les huit concerts). Profitez de cette aubaine et venez vous étonner.

Looking for Bernard ne sera pas au rendez-vous du jeudi 1er novembre. Ils sont tous en voyage ou hyper occupés. Savez-vous qu'Etienne Schréder (guitare et Dobro) met la dernière main à un «roman graphique» - genre nouveau - aux Ed. Casterman qui sortira en janvier, qu'il est devenu Directeur de la maison Autrique (première maison construite par Victor Horta voir www.autrique.be), et qu'on est hyper heureux de tout ce qui lui tombe sur le dos, y compris l'illustration pour un ouvrage d'un prix Nobel de littérature.

De Jules Renard (encore lui): «L'humoriste, c'est un homme de Bonne Mauvaise humeur»

Françoise Mallet-Joris

Elle est née à Anvers en 1930 et y passa son enfance. De son vrai nom Françoise Lilar, elle est la fille de l'écrivaine Suzanne Lilar… Passage à la Sorbonne puis 2 ans en Amérique où elle termine ses études. Françoise publie en 1952 son premier roman «Le rempart des béguines» où se manifeste déjà son habileté à sonder l'âme adolescente face au monde adulte, mais le sujet fit scandale à l'époque. Elle prend alors un pseudonyme. Elle s'installe à Paris… Romans, essais, biographies, autobiographie, TV, romans historiques.

En 1957, elle reçoit le Prix des Libraires pour «Les Mensonges», en 1958, le prix Fémina pour «l'Empire céleste», en 1965, le prix Monaco pour «Marie Mancini». En 1970, déjà membre du jury du Prix Fémina, Françoise Mallet-Joris a été élue en décembre à l'Académie Goncourt. En 1993, ayant épousé un Français, sa double nationalité lui permet d'être élue à l'Académie Royale des lettres de Belgique, occupant le fauteuil de sa mère, décédée en 1992. C'est en 1970 que sortit «La Maison de Papier», qui connut un énorme succès.

C'est par ce titre que nous avons découvert l'auteur, et ceci est un ravissement. Par couches successives, nous parcourons avec elle son questionnement de mère et son cheminement d'écrivain. C'est véritablement une bouffée d'air frais dans son oeuvre, par un jeu de questions-réponses avec son entourage, le plus souvent avec ses enfants. Oeuvre singulière qui, sans agression, soulève des thèmes abordés de manière amusante et pertinente, récurrente et grave: l'enfance, l'interdit, l'élan vers le sacré. «Faire une famille, c'est faire une oeuvre», dit-elle, préservant le foisonnement d'émotions face à un regard ironique sur ses proches, ses semblables et elle-même.

Certains la présentent comme témoin de son temps. C'est une vision restrictive, mais elle est en questionnement perpétuel face aux paradoxes qui se dressent dans chaque domaine de la vie. Ecoutons son discours de réception à l'Académie: «Je voudrais que l'on pût écrire des deux mains et que chacune écrivit le contraire de l'autre». C'est que la vérité est multiple. «J'aime les gens qui doutent» a chanté Anne Sylvestre à peu près à la même époque. Ce qui frappe avant tout, c'est l'intensité créative qui lui laisse le luxe de «gaspiller» certaines idées ou personnages là où d'autres se seraient acharnés, évitant la redite. N'oublions pas non plus l'apport important de ses textes écrits pour Marie-Paule Belle, montrant que «dans le langage, rien n'est anodin».

Nous avons eu l'honneur, en 1995, de la visite de cette grande dame accompagnée de Liliane Wouters. C'était à l'occasion du récital d'Olivier Runuel, le petit frère de Marie-Paule Belle. Nous avons le souvenir d'une personne énergique, au regard à la fois plein d'intelligence et de bienveillance. Il paraît qu'elle apprécia notre lieu…

De cette visite et de votre immense talent, nous vous remercions, Madame Mallet-Joris.

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