adresse et remerciements Petits Lieux

La chanson

Septembre 1997: l'éditorial de Suzanne Ferry

- Holà, brigadier*, les trois coups, s'il vous plaît.
- Le coup d'envoi pour une nouvelle année en musique, en chansons, en poésie, en réflexion…et de un.
- Le coup d'essai pour les nouveaux auteurs… et de deux.
- Que dis-tu, brigadier, en trois le gros cou? Quelle blague, nous venons de parler d'étroit cou.

Aïe, on s'arrête, sinon ce sera le coup de grâce avant de commencer. Allons bon, qu'on nous pardonne; un devoir vacances, ce n'est jamais sérieux, mais ça nous oblige à penser à vous beaucoup, beaucoup … beaucoup!

*Pour rappel, le brigadier est le bâton avec lequel le régisseur frappe les trois coups pour annoncer le début du spectacle ou sa reprise.

Vous avez dit chanson?

Voici quelques années, on l'avait dit mourante, ringarde, détrônée; on osait à peine la programmer. On lui préférait le Rock, le Jazz; le Blues, les rythmes Anglo-Saxons qui semblaient avoir la cote auprès des jeunes. Elle n'a pas eu à se défendre et la voici qui revient en force, avec ses grands classiques et se nouveaux auteurs compositeurs, ses nouveaux interprètes.

Berceuses, incantations, ballades, psaumes, chansons d'amour et de désespérance: de tous temps, l'homme a assemblé mots et mélodie pour exprimer ses émotions.

Art mineur, dit-on? Alors qu'elle est justement la rencontre, la fusion de deux arts consacrés: la littérature et la musique. Mais voilà, elle est à la portée de tous, l'expression populaire par excellence et, si elle a ses lettres de noblesse (combien de poètes furent mis en musique par les plus grands) elle peut voir le jour à l'aide de deux vers de caramel, comme dirait l'autre, associés a trois petites notes de musique. Elle peut en trois minutes - durée moyenne - raconter une vie (Les Trois Cloches), exprimer la révolte sociale (Les Canuts), exprimer un souhait ( Supplique pour être enterré sur la plage de Sète). Ce dernier exemple a une durée exceptionnelle de près de huit minutes.

La tradition populaire transmet chansons et comptines de génération en génération. Les textes évoluent parfois, les musiques se perdent ou se transforment, contrairement aux pays Anglo-Saxons qui perpétuent un ensemble impressionnant de mélodies de répertoire.

Nous croyions l'origine des chansons populaires françaises perdue. Il n'en est rien. Savez-vous, par exemple que:

  • Le Pont d'Avignon fut construit au XlIe siècle. La chanson qui le célèbre est très ancienne également.
  • Savez-Vous Planter des Choux? Le fait que le chou était un légume très connu (le plus consommé avant la pomme de terre) explique sans doute le succès de cette ancienne ronde.
  • Le Roi a fait battre Tambour date des amours d'Henri IV et de la malheureuse Gabrielle d'Estrées empoisonnée par Marguerite de Valois (La Reine Margot).
  • La musique d'Au Clair de la Lune est attribuée à Lully, né à Florence en 1632.
  • J'ai du Bon Tabac fut écrit en 1697 par l'abbé Gabriel Charles de l'Attégnant.
  • La Carmagnole, composée sous Louis XVI à la Révolution, fut interdite par Napoléon en 1799.
  • Les paroles d'Il Pleut Bergère furent écrites par Philippe Fabre d'Églantine, ce qui ne l'empêcha pas de mourir sur l'échafaud en 1793. L'histoire ne nous dit pas s'il pleuvait ce jour-là. Quoiqu'il en soit, on raconte qu'elle suscita des vocations qui virent croître l'élevage des moutons et brebis, moins «folles» que la vache, moins «pestes» que le cochon. d'Églantine est aussi l'auteur du Calendrier Républicain aux noms évocateurs (Brumaire, Floréal, Fructidor…).
  • Les paroles de La Mère Michel sont relativement récentes (1820). L'air est du XVIle siècle et servait à chanter les louanges de Louis XIV.
  • Il était un Petit Navire, une chanson de marins, faisait partie du répertoire tragique. On y parlait de vaisseaux fantômes. Vers 1850, elle fut l'objet d'une adaptation nouvelle plus légère.
  • L'Alouette est originaire du Canada.
  • Le Bon Roi Dagobert est une chanson française de 1750, chantée en 1814 par les Royalistes qui s'y moquaient de Napoléon.
  • Les paroles de Cadet Roussel furent écrites par un soldat parti défendre en Brabant la jeune et première république de France.
  • Plus proche de nous, Au Gué, Vive la Rose est une chanson de ce siècle.
  • Pour terminer, le Chant des Partisans fut écrit en 1942 par Joseph Kessel et Maurice Druon.

Et maintenant, Si l'on Chantait?

Chronologiethème

Mars 2001: l'éditorial de Suzanne Ferry

Sauvage et artisanale

La gestation d'un nouveau CD est une aventure chaque fois faite d'impatience, d'espoir, d'angoisse et de rêve. Mais le bébé est là. On vous le présentera le 31 mars.

Il se porte bien et la maman aussi, qui s'appelle Monique Lemoine, notre bar-maid préférée. Les fées se sont penchées sur le berceau du nouveau-né pour nous faire entendre dix petits joyaux - textes et chansons pleins de tendresse, d'écoute de l'autre, sur des sujets graves ou d'humour.

Les mélodies sont agréables et l'environnement musical juste ce qu'il faut pour mettre la beauté des textes en valeur. C'est un regard, une réflexion sur le monde que l'auteur a envie de débroussailler pour que puisse s'y déposer toute la lumière de l'amour.

Pour rappel

Le 10 mars aura lieu le rallye-chanson (Samaritaine, Soupape, Os à moëlle, Vénerie). Pour les modalités pratiques, consulter http://www.nirvanet.net/biennale.

Le Cabaret aux Chansons ferme rarement ses portes avant 2H du mat'. Si vous voulez encore prolonger cette soirée-chansons, il y a encore des artistes chez nous après votre périple. Bienvenue.

Leurs chansons courent toujours dans les rues…

Par une matinée où le vent jouait avec les graminées, par une matinée où les amandiers en fleur semblaient avoir trouvé l'âme soeur, voici ce que disait un ange, qui descendait en parachute, écoutez sa chanson étrange, écoutez-la, chut… chut… «Tombé du ciel, je suis tombé du ciel, destin providentiel» (1946).

Or, voici qu'en ce matin calme du 19 février 2001, notre fou chantant est soumis à l'ultime interview par ce même ange chargé aujourd'hui de lui ouvrir les portes du ciel.

L'ange: Parlez-moi des débuts de votre vie, de votre enfance…
Charles Trenet: Mes jeunes années courent dans la montagne, courent dans les sentiers pleins d'oiseaux et de fleurs. Et les Pyrénées chantent au vent d'Espagne, chantent la mélodie qui berça mon coeur (1949).

L'ange: Vous souvenez-vous de votre ville natale?
CT: Narbonne, mon amie, douceur des premiers jours, ce soir fait l'endormie à l'ombre de ses tours… Bonsoir Quai d'Alsace où tout est à sa place comme à la belle saison où vivait ma maison (1961).

L'ange: Vous souvenez-vous de votre premier boulot?
CT: Moi, j'ai fait cinq ans d'marine, et ça m'est arrivé au début d'existence, et ça me fait rêver souvent quand j'y repense… Cinq ans d'marine, au fond d'un p'tit bureau, à mâcher des mégots. Le temps s'est écoulé sans que je réalise qu'il était ma jeunesse. Après bien des années, si je l'idéalise, est-ce un peu par faiblesse? Moi, j'ai fait cinq ans d'marine… A présent j'fais des rimes et ça vous fait chanter. (1974)

L'ange: A votre avis, quelle est votre principale qualité?
CT: Fidèle, fidèle, je suis resté fidèle à des choses sans importance pour vous: un soir d'été, le vol d'une hirondelle, un sourire d'enfant, un rendez-vous… Fidèle, fidèle, je suis resté fidèle à des lieux, à des amis très doux: un drôle d'Albert et sa soeur en dentelles, un castillet tout neuf, un Canigou… (1971)

L'ange: Il y a une petite brèche dans vos leçons d'optimisme et de joie de vivre, cette chanson de 1946, c'est l'exception qui confirme la règle?
CT: Seul depuis toujours, mon coeur se berce d'un rêve d'amour. Et ce soir, sans espoir, triste, il chante. Perdu dans la nuit, seul il a souffert chaque jour. Il pleure avec le ciel de Paris, sa peine et sa romance d'amour, tout seul… depuis toujours.

L'ange: Et puis cet arrêt «à mi-chemin» en 1965, il y a juste 35 ans, après 35 ans de chansons, prescience du poète?
CT: A mi-chemin du beau voyage… arrêtons-nous, voyons un peu… ce que devient le paysage… depuis la terre jusques aux cieux… Il y a d'abord les jours d'enfance et leurs sourires tendres et moqueurs. A mi-chemin de la vie brève, ne brusquons pas le fil des jours, pour vivre encore au fil du rêve quelques instants de cet amour.

L'ange: Y a-t-il quelqu'un, ici haut dont vous êtes particulièrement impatient d'avoir des nouvelles?
CT: Bien sûr. Qu'est devenue depuis, la Madelon jolie des années seize? A-t-elle toujours les yeux étonnés d'être si bleus, la taille à l'aise… A-t-elle toujours le geste de la main un peu leste pour dire «Sois sage» à ses amis d'un jour, amoureux des contours de son corsage… (1960).

L'ange: A propos, comment imaginez-vous le paradis?
CT: C'est un jardin extraordinaire, il y a des canards qui parlent anglais, j'leur donne du pain, ils remuent leur derrière… (1957) (Pour le reste, écoutez mes CD. Il paraît qu'on a déjà fait le plein chez les disquaires. Comme l'homme est prévoyant quand il peut gagner des sous. S'il pouvait l'être autant quand il s'agit de chouchouter la planète!)

L'ange: Charles Trenet, je vous remercie de m'avoir répondu avec autant d'à propos. Mais pour l'heure, croyez-vous avoir gagné le paradis?
CT: Oh! Ne vous en faites pas pour moi. J'ai des relations mondaines, j'ai des relations, j'connais la baronne du Maine, son fils Absalon (1959).

L'ange: Vos amis Georges, Léo et autre Michel Berger vous attendent. Bienvenue, Monsieur Trenet, N'oubliez pas votre cheval (1936).
CT: Une dernière question je vous prie. C'est moi qui la pose: aimez-vous la musique? Car vous savez, rien n'a changé: un rien me fait chanter (1941).

Propos recueillis ce lundi 19.2.2001 par l'ange tombé du ciel.

«Comment ne pas aimer un homme capable d'inventer «Y a d'la joie» (1937) en balayant la cour de la caserne pendant son service militaire?»

Tombé du Ciel, l'intégrale (Plon, 1993)

Au revoir, mes amis
Au revoir, à bientôt j'espère
Au revoir, bonne nuit
Que vos rêves soient choses légères
Et demain chantez-les, mes chansons
Qu'elles gardent à foison
La joie dans votre maison
A présent, c'est fini
Au revoir, à bientôt mes amis

(1952)

Je fais des chansons comme un pommier des pommes (Charles Trenet)

Chronologiethème

Novembre 2002: l'éditorial de Suzanne Ferry

Le mercredi 5 novembre à 14h, sous la houlette d'un jeune metteur en scène, Bart de Wildeman, quelques seniors projettent de monter sur scène. Auparavant, on les aurait retrouvés sous un arbre à regarder comment passe le monde. Aujourd'hui, ils mettent leurs idées en commun, racontent leur vie et leurs rêves, chantent des chansons oubliées, dansent pour vous la valse du temps perdu. Vous êtes invités à venir partager leur histoire tout simplement et même, si le cœur vous en dit, à y joindre quelques rêves.

Un truc

Pour lutter contre l'insomnie, faites un quart d'heure de yoga, mangez une pomme crue, avalez une infusion de passiflore, comptez les moutons jusqu'à 1000, prenez un bain bien chaud à l'essence de serpolet, frictionnez-vous à l'huile essentielle de jasmin et orientez votre lit au nord. Quand vous aurez fini tout cela, il ne sera pas loin de 8 heures du matin. - Pierre Desproges

Le plus beau sentiment qu'on puisse éprouver, c'est le sens du mystère. C'est la source de tout art véritable, de toute vraie science. Celui qui n'a jamais connu cette émotion, qui ne possède pas le don de l'émerveillement ni du ravissement, autant vaudrait qu'il fut mort : ses yeux sont fermés. - Albert Einstein

Le statut de l'artiste - Sœur Anne, ne vois-tu rien venir?

"A petits pas, comme Prudence, j'avance", pourrait chanter Laurette Onkelinx.

Combien d'années de débats, combien d'études, de commissions et de papier noirci? Le nouveau projet de loi commence ainsi. La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution. Un article 1bis est inséré dans la loi de 1969 révisant l'arrêté loi de 1944 concernant la sécurité des travailleurs, notamment la création ou l'interprétation d'œuvres artistiques (musique, littérature, arts plastiques…)

Déjà un peu rebutant, tout ça.

En 1986, une douzaine d'idéalistes, chanteurs de leur état, dont Jacques Hustin, Philippe Anciaux, Albert Delchambre, Guy Cabay,…) créent l'UPAS (Union Professionnelle des Artistes du Spectacle). Ils se réunissent chaque quinzaine à Bruxelles, rue du Marché aux Fromages, où se trouve le siège social et où votre humble servante leur sert de secrétaire. Bien décidés à mener leur tâche jusqu'au bout, ils réussissent à décrocher un chèque de plus de 3 millions de FB qu'ils remettent à un bureau d'études. "Oh! Vous savez, ce ne sont que des biscuits" dit le dirlo en coinçant le chèque ministériel au portefeuille. Cette phrase resta un peu – beaucoup – en travers de la gorge de notre président qui, à l'époque, n'avait même pas de quoi payer la saint Nicolas de ses gosses. Passons.

Le travail sort, touffu, colossal, tant et si bien que personne ne s'y retrouve. Tout est à recommencer. Le 10 octobre dernier, sur l'initiative du Conseil de la Musique, nous étions invités à participer à un atelier de réflexion et de débat sur le statut de l'artiste en Belgique. Nous en fûmes, bien décidée à jouer le rôle adéquat : celui de candide, les oreilles en chou-fleur, l'esprit en éveil et le bic à la main pour ne rien perdre de l'exposé de Mme Bovy, chef de Cabinet Adjoint de la Ministre de l'Emploi et de l'Egalité des Chances, de M. Janssens juriste et conseiller du même cabinet, tous deux présentés par le juriste spécialisé Pierre Jeauray.

Nous pensions vous faire un rapport clair et précis pour présenter les points essentiels mais, à la lecture et relecture de la trentaine de pages qu'on nous remit (à votre disposition au cabaret) et des notes prises au vol, nous dirons simplement à tous les concernés qu'il existe une commission d'artistes composée de fonctionnaires de l'Office National d'Assurances Sociales pour Travailleurs Indépendants. Cette commission informe les artistes de leurs droits… Etes-vous indépendant ou salarié? Etes-vous artiste créateur ou de diffusion ou même technicien partageant les mêmes horaires? Etes-vous artiste temporaire, intérimaire, intermittent? A-t-on le droit de refuser, lorsqu'on est artiste à titre principal, un autre emploi jugé inadéquat? Savez-vous que vous pouvez gagner jusque 130 668 FB (3239,67 €) net imposable sans que le montant de votre allocation journalière ne soit influencé. Nous reviendrons sur tout cela si la chose vous intéresse. Artistes de tout poil, le gouvernement veille sur vous et vous veut du bien. C'est écrit en toutes lettres dans une fiche politique/emploi du Ministère dont le titre s'étale en gras: Les mesures en faveur des artistes, car la création n'a pas de limites. Il appert qu'une des choses essentielles pour la plupart des artistes bénéficiant d'allocations reste la mesure de janvier 2001 "qui rend possible de débuter et de poursuivre une activité artistique, même entre 7 et 18 heures."

Donc, l'inspiration n'est plus canalisée aux seules heures du soir et de la nuit! Ce 10 octobre dernier, au Conseil de la Musique, le débit du début du débat fut lancé par Nicolas Donato (Syndicat des Artistes et des Droits Voisins) sur un des points sensibles "Il y a quatorze ans qu'on s'occupe de donner un statut aux artistes, mais chaque artiste parle de lui-même (et pour cause) le législateur parle de tous!

Et d'autres d'enchaîner : Dans le projet de loi, le concept de l'artiste n'est pas défini . "Est-ce encore quelqu'un qui fait quelque chose de beau, de bon." La définition est subjective… Y a-t-il un groupe sociologique identifiable? On se retrouvera face à la république des juges, ce qui donnera encore plus d'insécurité aux artistes. Au vu de tout cela, la locution "flou artistique" prend pour moi aujourd'hui tout son sens. A suivre pourtant avec vigilance et attention.

Chronologiethème

Mai 2003: l'éditorial de Suzanne Ferry

Est-ce de l'entêtement
Au vu des événements
De conserver encore
Au milieu du décor
Des villes dévastées
Cette façon d'aimer
En haïssant la guerre
Et son lot de misère

Est-ce de l'entêtement
De promulguer la paix
Comme seul élément?
Ou allons-nous tricher
Perdre tout réalisme
Face au triomphalisme
Et nous abandonner
Déçus, au fatalisme.

"Qui a semé le vent
Récolte la tempête"
Alors oui… Je m'entête
Au nom des innocents
A dire : "Tendons la main
Mais non pas l'arme au poing
Bien sûr, "Tendons la main
Mais non pas l'arme au poing!

Notre ami Etienne Schréder, guitariste du groupe Looking for Bernard, vient de sortir sa 5e BD: Le Vol d'Icare. Magnifique de perspectives audacieuses tant sur le plan graphique que sous l'angle d'un scénario aux facettes multiples que chacun peut explorer et interpréter à sa guise... "Carrément" incontournable.

Son premier album, Le Secret de Coimbra, est en réédition et traduit dans d'autres langues. Enfin, une exposition à laquelle il participe se tiendra à Paris cet été. Bravo, Etienne.

Merci à Monique, Marcelline, Albert, notre équipe du bar ainsi qu'aux amis qui nous aident occasionnellement.

Nous pouvons déjà vous annoncer les deux jours de concert de la Communauté Française : les samedi 27 et dimanche 28 septembre.

Trio Chanteclair et Ethery Rouchadze

Le trio Chanteclair

Histoire… et perspectives Le Trio Chanteclair prend son envol en 1953. - Grand Prix du Disque de l'Académie Charles Cros pour Chansons Insolites. - Grand Prix d'humour de l'Académie du Disque Français pour Du Chant à la Une qui n'est autre qu'un curieux pastiche d'un journal télévisé intemporel présenté par Léon Zitrone. De cet ensemble vocal et instrumental sortiront 15 disques en 36 années de carrière faisant découvrir d'abord les compositions propres au groupe puis, dans un harmonieux mélange, des œuvres de Victor Hugo, Robespierre, George Sand, le Prince de Ligne, etc. En 1966, le trio représente la Belgique au Festival International de la Chanson Populaire. Mais les concerts du groupe ont toujours conservé un caractère culturel. Il participe la même année à l'enregistrement de Mille ans de chroniques scandaleuses avec Colette Renard, Robert Rocca,…

La maladie décima le trio fin 1988; mais, à la perte de ses deux complices, Régis n'arrêta pas de chanter. Il a repris, en 1990, seul cette fois, son métier artistique dans une discipline totalement différente : l'orgue mécanique ancien (à anches) et un orgue nouveau (à flûtes) fabriqué en 1995. Il réalise lui-même ses cartons perforés. Régis avait déjà fait le tour du monde avec le trio. On peut aujourd'hui encore l'entendre partout, du Québec à la Louisiane, en passant par le Cameroun.

Fin 1995, il constitue un nouveau groupe : Les Chanteclair avec Carmélina (soprano), Arlette (pianiste et chanteuse), Emmanuelle (sa fille) et lui-même, chanteur à l'orgue de Barbarie. En 1960, le trio d'origine s'était totalement tourné vers la chanson insolite, historique et galante, délaissant ses propres compositions qui ont dormi 40 ans. Régis les a ressorties, sélectionnées et a enregistré le tout dans un studio de la RTBF avec sa voix de chanteur de rue. Il sera chez nous en juin, le vendredi 13 pour un concert hors du commun où il mêlera chansons du répertoire et compositions personnelles du trio.

Enquête à la RTBF

Avez-vous vu Ethery, la muse de Nougé ?

Voici plus de 40 ans qu'elle a disparu. Mais d'abord, savez-vous qui elle est ? Mademoiselle Rouchadze, Ethery de son prénom, Géorgienne d'origine, vint en Belgique au début des années '50 afin de préparer le Concours International Reine Élisabeth avec le professeur Eduardo del Pueyo. Elle n'y eut pas accès, mais resta en Belgique quelques années. Très vive, rieuse et drôle, elle eut une foule d'admirateurs. Barbara la rencontra. C'est avec elle qu'elle étudia le piano. Ethery jouait merveilleusement confiera la chanteuse. Parmi les jeunes admirateurs, il y avait le poète Paul Nougé. Soixante-sept poèmes dont elle fut l'inspiratrice seront réédités tout prochainement.

Paul Nougé, une des têtes de file du surréalisme, surnommé le Breton belge, était moins tapageur et avide de succès que ce dernier. Il était de formation scientifique : biochimiste. Parallèlement à la Revue Littéraire de Breton, Aragon et Soupault, parurent en Belgique les tracts de la revue Correspondance où furent parodiées les célébrités littéraires du moment. Ils reprochaient aux surréalistes français la facilité de l'écriture automatique, opposant la rigueur des constructions maîtrisées à l'instar des tableaux de Magritte. "A la pensée subconsciente, il faut joindre quelque chose de mûrement réfléchi, auquel le titre peut apporter une dimension supplémentaire. Il s'accorde à Breton pour la révolte envers le monde existant mais, à "l'art pour l'art", à la préoccupation esthétique, il ajoute une conception éthique.

Soixante-sept poèmes pour une seule femme ! De quoi être jalouse, Mesdames, non ? Mais ces poèmes, nous pourrons les lire, nous ! L'histoire ne nous dit pas si Ethery en a eu connaissance, elle que plus personne ne revit après 1960. Évanescente dans les brumes de 1960, ceux qui l'ont connue ne peuvent aujourd'hui qu'évoquer son souvenir. C'est ce que Gérard Valais et d'autres personnalités feront à la Bellone ce 28 avril au soir.

Chronologiethème

Septembre 2003: l'éditorial de Suzanne Ferry

Comme à chaque rentrée, on vous attend, chanteurs et comédiens, pierrots et musiciens, les pique-mots, les croque-notes, avec votre fantaisie, poésie, avec vos questionnements aussi. Le plus petit indice de talent n'est pas à perdre, il faut le cultiver comme une fleur précieuse. Des endroits comme le nôtre y veillent. A tout bientôt.

Une soirée d'hommage à Léo Ferré aura lieu à l'auditorium Paul-Émile Janson de l'U.L.B. le samedi 13 septembre, avec d'excellents interprètes, notamment notre ami Philippe Anciaux, Jean-Paul Ganty, Christiane Stefanski, …

L'ami Léo: "Léo de Hurlevent"

Après l'année Brel, voici Ferré dont on commémore le 10e anniversaire de la disparition. Avec Ferré, "la poésie est dans la rue comme une charge explosive déposée sur la voie publique." Ses chansons sont toutes de révolte et d'ironie. Il vulgarise les poètes maudits, chante l'amour, pudique ou non, l'inquiétude métaphysique, égratignant les grands du monde, usant de l'argot.

Léo Ferré est né sous le soleil de Monaco en 1916. Il est mort sous le soleil de Toscane, tandis que les flonflons de France s'époumonaient de Marseillaise : le 14 juillet '93.

Enfant, il a vécu huit ans dans un internat qu'il a mal supporté, chez les frères des écoles chrétiennes à la frontière italienne, avant de faire sa philo à Monaco (son père y était Directeur du Personnel au Casino.) En 1935, il prépare une licence en droit à Paris, tout en étudiant la musique.

Il revient à Paris en '46 et passe alors en cabaret. Très tôt, il avait composé une série de musiques et de chansons car il se sentait une voix.

En '47, premier passage à l'Olympia.

En '54, prix du disque pour sa chanson L'Homme, interprétée par Catherine Sauvage.

En '61, nouveau prix du disque pour l'ensemble de ses enregistrements.

Au début, c'est un public d'"intellos" qui vint l'écouter. Il chantait, son chien berger sous le piano. Dans ses premiers passages en cabaret, il lui arriva de chanter trois mois sans être payé ; sa première épouse, Odette, ne supporta pas cette Vie d'artiste difficile. Ils se séparèrent.

Léo était bien dans la lignée des chansonniers anarchistes à ses débuts et il n'a pas toujours fait l'unanimité. Un soir, après sa chanson Merci mon Dieu, les gens du premier rang se sont tirés. Son secrétaire Maurice souligne que, "10 ans avant mai '68, il en avait développé les thèmes dans ses chansons." A l'Olympia, le public était composé essentiellement de jeunes enthousiastes.

Contrairement à Brel, Ferré n'avait jamais le trac.

Après sa séparation d'avec Odette, il épouse Madeleine, femme de contact, efficace, qui partagea sa vie durant 18 ans. Il reconnut lui devoir beaucoup dans le cheminement de sa carrière. Après leur séparation douloureuse, en '68, il se retire en Toscane et vit 25 années de sérénité avec Marie-Christine dont il aura trois enfants, se réinvente une nouvelle vie et jouit du calme dont il a besoin. "C'est étrange, je ne me sens jamais aussi seul qu'entouré et vice versa."

Bien qu'il ne signe aucun engagement politique, il confie: "Le parti communiste fut mon compagnon de route, l'anarchie fut mon compagnon de doute."

Pépé, son chimpanzé, tint une place énorme. Il est mort le 7 avril 1968 et cet événement fut à l'origine d'une des chansons les plus émouvantes qu'on ait écrit de mémoire d'animal. Rendre compte d'un récital de Ferré, pour les journalistes, c'est avant tout une réflexion qui continue : "La poésie ne s'empare pas d'un plateau de music-hall pour y régner une soirée entière sans causer quelques troubles, surtout quand elle fait fi de l'élégance et qu'elle n'a pas la pudeur de cacher ses misères, la nausée perquisitionne la conscience. "En '66, on lit dans Combat: "Ferré a le goût d'un certain cabotinage, on le sait. Il adore forcer l'expression, montrer sans retenue qu'il jouit des mots… Pardonner, car nous sommes persuadés qu'il est bon de crier qu'on méprise et que si Ferré ne le criait pas, il faudrait que quelqu'un le fasse… Pardonner car il y a dans chaque cuvée trois ou quatre textes inoubliables."

Nul ne conteste l'authenticité de ses révoltes et son désir de justice. "Héroïque, érotique, du calcul dans la sincérité, de la ruse dans sa candeur. Il fait s'écrouler les frontières entre grande et petite musiques. On ne pourra jamais remettre en cause sa profonde tendresse pour l'homme, même si l'on fustige le fait qu'il en parle au volant de sa Jaguar, même si lors d'un concert à Nivelles, nous l'avons entendu "gueuler sur des chattes en folie" (ce sont ses termes) qui perturbaient sa concentration. En scène, les yeux fermés, les paupières battaient encore. C'est qu'il était toujours en veille et en émoi.

Thank you, Ferré.

Chronologiethème

Novembre 2003: l'éditorial de Suzanne Ferry

Rêverie…

Et si, pendant un an, six mois, un mois, on décidait de remplacer chaque fusil par un instrument de musique, et si les belligérants s'apprenaient mutuellement à en jouer partageant talent et savoir, le temps d'une symphonie, la cruauté, la haine, la mort ne seraient-elles pas en recul? C'est un rêve qui nous vient souvent à la fin d'un concert, rencontrant à la fois le regard heureux du public et celui des artistes. Souvenons-nous : "L'utopie, c'est ce qui n'a pas encore été réalisé." Jouer du cœur est simple, il suffit d'en avoir, voilà tout.

Ils partent en Inde pour deux concerts, début décembre : Philmarie, Alan Ward, André Vandomber et Etienne Schréder. Donc, pas de Jeudi Acoustique le 4.12. Mais rassurez-vous, ils seront de retour au cabaret pour leur dernier concert de l'année le jeudi 11 décembre. Bon vent à l'équipe, surtout n'oubliez pas de nous revenir.

En cette année 2003, où l'on remue tant de souvenirs d'artistes disparus : Brel, Ferré, Piaf, Cocteau, en cette année 2003, il nous a semblé important de souligner la trop discrète disparition, mi-octobre, de François Béranger. Pourtant, ce chanteur a profondément marqué les jeunes des années 70-80. C'est à l'un d'eux que nous avons demandé d'analyser l'ensemble des chansons de Béranger.

François Béranger (1937-2003)

    Les jours sont courts, les nuits sont brèves
    Brûlons la vie par les deux bouts
    Craignons de nous retrouver morts
    Sans avoir assez joui de tout

Il serait très réducteur de résumer l'oeuvre de François Béranger par ce quatrain hédoniste, disons qu'il s'agit d'une entrée en matière. Dans la même chanson (Les jours sont courts, 1974), il précise sa vision du bonheur simple:

    Le soir des amis viendront (...)
    Alors nous nous raconterons
    Nos bonheurs, nos malheurs
    Mais toujours en riant

Le qualifier d'épicurien serait encore trop rapide, car, sans nier les vertus de l'amitié à l'écart du bruit du monde, Béranger dénonce tout ce qui ruine ces rêves d'amour et d'amitiés. Dans des chansons plus dures, il dit sa rage contre notre société hypocrite, trop rigide au niveau des moeurs (cela a changé depuis), mais complètement immorale dès qu'il s'agit de gros sous (mais là...).

Il s'en prend également à la haine "La m... noire relève le front" (Au point de sang, 1980), à l'égoïsme criminel (Dure-mère, 1989), au parcage des vieux (dans son programmatique Manifeste, 1973), à l'exploitation des laborieux en général et des immigrés en particulier («On a pressé l'citron, faut jeter la peau», Mamadou m'a dit, 1979).

Mais la critique sincère n'est jamais à sens unique. Il s'en prend également à une partie de son public, les "baba-cool" qui crient «Chili» tout en fumant leur shilom, tandis que l'autocritique ne lui a jamais été étrangère.

Les chansons de Béranger ne sont pourtant pas que des prises de position politiques. L'autre versant de son oeuvre, surtout au début, parle de la difficulté d'atteindre et de vivre un amour, puis de le retenir : Dis-moi oui et «Le téléphone n'a pas sonné / Pourquoi n'as-tu jamais appelé» (1970), Elle voyage (1974)...

Rageur ou naïf, mélancolique ou goguenard, et parfois tout cela en même temps; électrique ou acoustique, Béranger est passé par toutes les nuances que la chanson française a connues: musette, country, protest-song, rock, tango, bossa-nova, musique andine ou celtique, percussions d'Afrique... Car contrairement à ce qu'on a parfois dit, Béranger n'a pas cessé de se renouveler, et l'on pourrait se demander si ce n'est pas cela qui a finalement décontenancé son public.

Il faut également dire que paradoxalement, la "gauche au pouvoir" a causé quelque tort au genre de la chanson critique ou sociale, et certains auteurs, qui ne se sont pas reconvertis, ont disparu. Mais pour Béranger, cela a aussi coïncidé avec l'absorption de sa maison de production par une autre, qui a rompu le contrat: son Da Capo (1982) n'a quasi pas été distribué. Il revivra un problème similaire lors de son retour en 1989.

François Béranger n'étalait pas sa vie privée, il écrivait des chansons. Doit-on avoir vécu Prague pour chanter Une ville (1970), où un printemps est réprimé dans l'impuissance des Nations? Devait-il avoir tout vécu de sa Tranche de vie pour écrire son premier 45T en 1969? A-t-il réellement vu la fouille humiliante d'un immigré dans le métro, décrite dans Je ne veux pas le savoir (1979)? Mais quand on pense que

    La certitude est la mort,
    Et la seule question qui vaille
    C'est quoi faire en attendant

(Article sans suite) et que «tout reste à faire» (sa version de l'L'internationale), on ne peut que «partir casser des moulins» (L'alternative, 1975).

L'oeuvre de Béranger est composite, en marge, le plus souvent décliné au présent, parlant du passé sans se laisser aller à la nostalgie et appréhendant le futur sans crainte. Un oeuvre à réécouter ou à découvrir. Vous trouverez discographie et biographie sur Internet:

PS1. Après toutes ces considérations, vous serez peut-être étonné d'apprendre que le dernier disque de Béranger est entièrement consacré à la reprise de 19 chansons de Félix Leclercq.

PS2. Il y a peu d'anecdotes dans ce billet. Mais Béranger, c'est tout sauf de l'anecdote.

Jean-Christophe Beumier

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Mars 2004: l'éditorial de Suzanne Ferry

Affaire Dutroux, catastrophes naturelles et prédictions apocalyptiques quant au réchauffement de la planète étaient au menu en ce jour de carnaval. Le Gulf Stream dilué et détourné par la fonte des glaces va-t-il réellement nous envoyer une atmosphère sibérienne en 2020?

Puisqu'il n'y a plus d'avenir, profitons à fond du présent : les bourgeons n'en seront que plus éclatants, le rire des enfants plus envoûtant, la beauté de la jeunesse plus réelle…

Pas d'affolement, faut voir… faut vivre surtout ! Petite phrase de notre enfance: J'ai dit : "La vie est méchante." L'écho m'a répondu : "Chante."

Cabaret, Caf'Conc, Music-Hall, etc.

Cabaret, variétés, caf'conc', music-hall : ce mélange de termes présente un raccourci étonnant laissant entendre qu'il serait question d'un même genre de représentations où la chanson tient une grande place. Le livre Cabaret de Lionel Richard nous démontre ce qui s'est passé à partir du 19e siècle en Europe et particulièrement en France dans ce domaine.

Si la télévision, par le biais du spectacle banalisé à consommer chez soi, tend à effacer des mémoires ces lieux de rencontre, de communion, de réjouissance collective, on nous rappelle que c'est au 19e siècle que la fonction initiale de certains débits de boissons évolue.

Par ailleurs, à la même époque, le développement industriel entraîne une industrialisation de la production culturelle elle-même et, notamment des spectacles : apparaissent alors l'impresario, le culte de la vedette, la recherche des chansons à succès. Face à cela, une bohême intellectuelle se forme à Paris, constituée de jeunes espérant réussir des carrières d'artistes en tous genres, et s'opposant à l'esprit bourgeois mercantile.

Mais l'art du cabaret, fait de boniments et de poésie qui, par nature a besoin d'un milieu intellectuel pour s'épanouir est vite ébranlé face au commerce, aux affaires, et certains, pour devenir rentables, deviennent des "marchands de plaisirs". Ce qui n'exclut nullement, en parallèle, ces endroits où l'artiste présente au public ce qu'il a lui-même produit.

Après 1945, quelques-uns uns de ces lieux furent à Paris la source d'une chanson française de qualité. Malgré son caractère disparate, le cabaret relève d'une esthé-tique quand il s'agit du cabaret dit "littéraire" qui a donné naissance à un certain style d'artistes et de répertoires. Dans le dernier tiers du 20e siècle, avec le Café de la Gare notamment, le cabaret est devenu café-théâtre, s'imposant comme phénomène de société et donnant naissance à une floraison d'acteurs de cinéma et de théâtre parmi les plus prestigieux d'aujourd'hui encore.

Le Café

A en croire les chroniqueurs, les débits de boissons, de Platon à Dickens, sont un abîme de perdition. On s'y enivre, on s'y bat, bref, jusqu'au 19e siècle au moins, la taverne est un endroit où l'on s'adonne à l'ivrognerie et aux louches manœuvres.

Le café proprement dit apparaît au 17e siècle. C'est un lieu exclusivement réservé à la consommation de ce breuvage tiré de la graine du caféier, arbrisseau d'Arabie. Il a fallu 20 ans pour qu'il s'impose à Paris et devienne l'endroit de prédilection de la meilleure société. Au début du 18e siècle, Paris compte 300 maisons de café qui remplacent les salons littéraires dans la mesure où l'aristocratie perd son prestige social. Bonnes manières et tranquillité y dominent. On n'y consomme aucun alcool. La bienséance veut que les femmes n'y entrent pas. Sous la révolution, la clientèle augmente considérablement. Chacun de ces cafés représente une opinion, des sentiments politiques. A la fin de l'austérité jacobine, on voit surgir plus de 500 bals publics et une trentaine de théâtres. On affiche son élégance, son oisiveté. On délaisse les cafés pour les jardins d'été, mais la vogue des cafés n'en meurt pas pour autant. Elle se prolonge sous la restauration. Les poètes, écrivains, peintres s'y retrouvent, de Gérard de Nerval à Willy Colette en passant par Degas, Cézanne, Renoir, etc. Mais il a beaucoup changé. On y consomme vin, alcool, on y fume, on y mange. Et puis, Paris, sous Napoléon III voit naître des cafés gigantesques au décor d'or et de lumière déversée par le gaz. Le baron Haussmann a "assaini, embelli, grandi," la capitale de France. Hélas, beaucoup de petits cafés sur les boulevards ont disparu face à la spéculation.

Le Grand Café Parisien, en 1857, avait 30 billards et des salles destinées à recevoir 4000 consommateurs ! Cafés à la mode pour clientèle snob et aisée ou cafés d'artistes, les uns et les autres coexistent à Paris avec des hauts et des bas. Du Veber avant 1914, au Flore et aux Deux Magots (Saint Germain des Prés) après '45, certains sont entrés dans la légende, le café n'étant pas simplement un lieu de rendez-vous, une échappatoire à la solitude, il participe en plus à la vie profonde de la société.

Henri Pastoureau, entré dans le mouvement surréaliste en 1932 se demande si ce mouvement eut été possible sans le café, institution-clé, sur lequel est fondé le mécanisme de fonctionnement du groupe.

  • On en devient membre par l'admission régulière à la table de Breton, réunion qu'il organise chaque jour à l'heure de l'apéritif, au café choisi par lui.
  • L'exclusion, elle, est prononcée à l'occasion d'assemblées générales, dans des cafés disposant de salles de réunion. Les premières exclusions furent celles de Philippe Soupault et Antonin Arthaud.

(À suivre).

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Janvier 2006: l'éditorial de Suzanne Ferry

La chanson au Québec? Un art de vivre !

Dans ce pays de traditions, où les longues soirées des longs hivers favorisaient les veillées, on y chantait beaucoup.

Dès le début des années soixante, se créent partout des «boîtes à chansons» version québécoise des cabarets parisiens, les auteurs-compositeurs s'y nomment chansonniers. Félix Leclerc, pionnier, monument national, ouvre la voie à la chanson moderne. Issu d'un «Québec éternel», avec sa chemise à carreaux, il parle des choses de la vie : l'amour, la solitude, la mort, la nature ; les vraies valeurs : amitié, courage, détermination. Au début, sa chanson poétique ne trouve pas sa place, entre les chants populaires et la chanson américaine qui envahit les ondes. Paradoxalement, c'est en France qu'il démarre : Jacques Canetti, venu explorer de nouveaux talents, le fait passer à l'ABC. Il y fait sensation. En 1951 déjà, Moi mes souliers, Petit bonheur, lui valent le prix de l'Académie Charles-Cros. Il revient ensuite au Canada où sa liberté d'expression apporte une bouffée d'air frais dans le climat d'alors quelque peu étouffant.

Et puis, c'est Claude Leveillée, Gilles Vigneault, Jean-Pierre Ferland qui creusent leur sillon dans un pays en pleine mutation économique, idéologique et surtout culturelle. A l'époque d'une «révolution tranquille» et du triomphe électoral de Jean Lesage, c'est la chanson qui véhicule le mieux la langue, symbole de l'identité québécoise. Bien sûr, la tentation de l'Amérique est là, forte, omniprésente. On y résiste par la fidélité aux origines françaises. C'est en affirmant leur spécificité qu'ils résistent le mieux aux dangers de l'assimilation. Robert Charlebois sera le premier à faire la jonction entre la chanson traditionnelle et le rock. Car sur les ondes, si c'est le country et le yéyé qui triomphent, la chanson québécoise progresse à grands pas.

«Vive le Québec libre» crie de Gaulle en passant? Plus que des témoins, les artistes furent les artisans du Québec moderne et inventif. L'histoire de la chanson s'apparente à l'histoire du pays.

Révolte et revendications de 1968 ne les épargnent pas. Porte-parole d'une culture populaire, s'instaurent des quotas de musique francophone sur les ondes, véritables remparts contre l'invasion américaine, ce qui permet à l'économie de la musique de se développer - maisons de disques, festivals, grands rassemblements populaires?

Mais revenons au pionnier Félix Leclerc. Brel et Brassens ne cessèrent de répéter ce qu'ils lui doivent : Félix était aussi auteur de théâtre, mais las d'être rejeté par la critique, il s'exila en Suisse quelque temps. Il en revient en 1970 et bâtit sa maison en île d'Orléans. En chantant l'amour de sa terre, il devient un repère, une conscience ; ses positions se radicalisent en tant que citoyen et artiste? «Les cent mille façons de tuer un homme».

En 1979, juste avant le référendum sur l'indépendance, il écrit «Finis les gros doigts étrangers dans nos papiers de famille».

Il meurt en 1988. «Je n'ai pas vu toutes les merveilles du monde, mais j'ai vu la plus belle, et c'est mon pays». (à suivre?)

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Février 2007: l'éditorial de Suzanne Ferry

Voeux 2007

La pilule dorée qu'on nous donne
                Faut pas s'y fier

Et tous ces « biens » que l'on consomme
                Faut pas s'y fier

Mais face à la haine?... Qu'on pardonne!
                Faut pacifier

Merci aussi à Fabienne Govaert (la Clarencière) pour la concrétisation du projet des « petits lieux ». « Le petit plus » n° 1 est sorti, qui reprend les programmes d'une dizaine de cafés-théâtres (site et brochure)

C'est pour rire: Quelle est la différence entre un rouquin et un requin? Le rouquin a les cheveux de son père, le requin a les dents de la mer....

Daniel Degimbe, ami du cabaret et conscient de certaines de nos difficultés, nous a envoyé un mail bien sympathique. Vous pourrez le lire sous peu sur notre site. (voir samedi 31/03).

« Allumer sa bougie vaut mieux que de maudire la nuit » Julos Beaucarne

« La chanson est le reflet de l'air du temps, un formidable instrument de mémoire, et l'art populaire par excellence » Jacques Vassal

Dans son livre « De chair et d'âme » (Ed. Odile Jacob, 2006), le neuro­psychiatre Boris Cyrulnick explique comment la musique façonne le cerveau tant par la mélodie que par le rythme. Dans l'interview qu'il a donnée à la RTBF fin 2006, il a souligné toute l'importance qu'a la chanson dans l'élaboration de la mémoire émotionnelle.

Une Autre Chanson

... Titre volé? A qui? Autant mettre d'emblée nos chers lecteurs au courant. Pour ceux qui l'ignorent, c'est le nom d'une revue dont le numéro paru en mai 2006 devait être le dernier. Le dernier? Sans doute pas: quelques personnes et organismes particulièrement concernés ont envie que l'aventure continue. Mais cela dépend aussi de vous, de nous!

« Une autre chanson », cela sonne pour certains comme une ligne de démarcation entre celles que nous servent les médias et toute cette richesse parfois insoupçonnée qui prend vie chaque jour autour de nous et dont la plus grande partie restera sous le boisseau. « On connaît la chanson » clame-t-on fami­lièrement lorsque quelqu'un ressasse une évidence. Mais ici, que signifie l'autre chanson, celle que l'on entend surtout par choix personnel. Pourtant, elle existe: que de joyaux glanés semaine après semaine dans les petits lieux, par exemple à Bruxelles, en Belgique ou ailleurs! Que de pouvoir et d'émotion quand elle touche celui qui la découvre, l'écoute et l'apprécie.

Mais revenons au périodique: l'aventure naît il y a 25 ans, au début des années 80. Francis Chenot en est le principal artisan. Il écrit lui aussi, publie et s'occupe de l'édition « L'arbre à paroles ». Son combat est de faire connaître des auteurs dont on ne parle pas nécessairement et qui ont quelque chose à dire et le disent avec talent. Des auteurs et aussi des interprètes bien sûr.

Et puis, les articles toujours attendus sur les « monuments ». De Brel à Nougaro, Perret, Ferré et tous les autres sans oublier les nouveaux talents qui s'affirment et les jeunes révélations (comme les lauréats de la biennale par exemple). Il y a tant de richesses à découvrir au fil des pages. De plus, sont insérées toutes les annonces de concert que les organisateurs envoient (chansons - jazz - musiques du monde).

Quelle perte si ce magazine devait disparaître définitivement. Heureusement, la solidarité est là qui intervient, des aides se dessinent: « Couleur chansons », « La biennale » et son nouveau leader Michaël Fries, « Charleroi chansons » (Claude Bonte), « Ecoutez voir » (Jean Lemaire) et surtout « Peuple et Culture » qui poursuit inlassablement son émancipation populaire par la chanson. Et si tout se passe comme prévu, le nouveau numéro paraîtra en mars.

Nous espérons pouvoir être un relais pour ceux qui le désirent. Ainsi, vous pourrez trouver des exemplaires à acheter chez nous au prix de 5€ ou savoir comment vous abonner (15€). Réservez-leur l'accueil qu'ils méritent et dont ils ont besoin.

A Francis et à ses fidèles collaborateurs, tous nos voeux, et déjà toute notre reconnaissance.

Suzanne Ferry, avec l'aimable complicité de Richard Künh

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Septembre 2011

En France, tout finit par des chansons…

Chez nous, elles seront au rendez-vous dès ce dimanche 25 septembre.

Qu’auront concocté pour nous émouvoir nos paroliers et musiciens ? De la révolte ? De la douceur ? De la tendresse ? Tout est bon à prendre.

« En ces temps difficiles » dit-on. On peut commencer chaque période de l’histoire par ces mots. Pourtant, une nouvelle donnée intervient aujourd’hui : l’urgence.

Tam Echo Tam est toujours invité hors frontières, mais, ô comme il est difficile de durer dans la petite Belgique… Le Cabaret aux Chansons est heureux de vous annoncer une série de concerts d'ici la fin de l'année et remercie nos quatre amis (Larbi, Aline, Valérie et Daniel) de la confiance qu'ils nous accordent. Ils vous parlent d’un monde merveilleux qui est plutôt celui des promesses que l’homme se fait (de bonne ou de mauvaise foi) à lui-même, depuis l’aube des temps, et qu’il a parfois du mal à tenir. Je suis certaine que tous, vous aurez envie de les découvrir, les redécouvrir et les faire ensuite apprécier par le plus grand nombre.

«L’indifférence : la pire des attitudes» («Indignez-vous!» de Stépane Hessel

Au revoir, Paul…

Nous nous étions promis, il y a quelques mois, de présenter au Cabaret aux chansons une soirée spéciale Paul Louka, poète oublié dont les chansons résonnent encore dans nos cœurs. On nous avait même suggéré qu’il pourrait être parmi nous, sa santé s’améliorant. Mais sa disparition, fin juillet, nous a beaucoup surpris et peinés. Le projet prend aujourd’hui une autre signification et nous comptons vous présenter dans un de nos prochains programmes quelques chanteurs qui présenteront des chansons de son immense répertoire.

Ils sont trois frères, Charles Delporte, qui quitte l’enseignement pour se consacrer entièrement à la peinture, Jacques l’instituteur, poète et auteur de quelques chansons de son frère Vital Paul Delporte qui choisit comme nom d’artiste Paul Louka.

Les années 60

Né en 36, en pleine période de tribulations sociales, il poursuit, après ses études secondaires, des études d’art décoratif, d’imprimerie, d’histoire de l’art, … C’est à la fin des années 50 qu’il écrit ses premières chansons. On l’a vu, dès 58, lors de l’émission la Caméra d’argent, présenter « Mon copain le nègre » deux ans avant la décolonisation du Congo et en pleins remous racistes aux Etats-Unis. D’emblée, il ne chante que la liberté et ce qu’il juge intolérable, ce qui donne des chansons fortes, et tout empreintes de sensibilité.

Après sa rencontre avec Jacques Brel qui lui conseille de venir à Paris, il fréquente les nombreux cabarets de l’époque : Ma Cousine, la Colombe, le Port du Salut, la Tête de Lard, les Trois Baudets, … et profite à cette époque de bien des rencontres comme le producteur Jacques Canetti, grand découvreur de talents, Raymond Devos, et les musiciens qui l’accompagnent.

En 62, il rencontre Georges Brassens avec qui il se lie d’une profonde amitié. Il fait les premières parties de Brassens (nous avons eu la chance de les voir au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles). A cette époque, il partage la scène avec Guy Béart, Juliette Gréco, Barbara, Fernand Raynaud…

Les années 70

Une rencontre avec Willy Albimoor et c’est le Band Jazzant, incluant ensuite la poésie avec Robert Delieu. C’est l’époque où il tourne des films, des téléfilms, fait des musiques pour le cinéma, continue à présenter les premières parties de Georges Brassens. Pas d’enregistrements à l’époque, mais il se rattrape ensuite en sortant des disques en 1972, 74, 76 et 78. Que ce soit dans ses chansons amour-amitié, il veut ne chanter que l’engagement, la souffrance. Il ne participera pas au grand courant de la contestation qui attire les jeunes dans les festivals. Pourtant, c’est en 64 déjà qu’il chante « les Américains », qualifiée de première chanson « protest song ».

Les années 80

En 1983, il reçoit le prix SABAM de la chanson. Un nouveau spectacle voit le jour, «avec ou sans veston». L’évolution du monde et ses désillusions politiques amènent le doute et le questionnement. Avec ses amis Philippe Anciaux et Jacques Hustin, il présente un spectacle intitulé Rose ou rouge à Forest-National. De janvier 1996 à décembre 2009, il sera administrateur-délégué de la SABAM. Paul Louka sort un nouvel album. Son titre est plus que jamais épris de cette ouverture qu'il ne cesse de nous prodiguer: Respire! À Charleroi, Paul Louka poursuivra son chemin en ouvrant un Atelier carré, désireux d'offrir à des jeunes ce qu'il a reçu, au début de sa carrière, sur les planches des cabarets.

Nous vous promettons de vous faire connaître ou reconnaître ses chansons et pas seulement «J’ai fait la belle à Marcinelle» qui, semble-t-il, est encore dans toutes les mémoires.

(Adapté librement de la biographie écrite par Daniel Sotiaux)

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