L'AsieJuin 1997: l'éditorial de Philippe FranckMalgré de multiples fouilles infructueuses, nous devons le confesser, nous sommes sans nouvelles de Juillet-Août 1997. Sans nous avertir, ils ont disparu de nos agendas… Juste un petit mot daté du 29 juin: « À bientôt, Cher Public et salut les artistes… » Trouvant la formule un peu cavalière, nous nous sommes jurés de consacrer cette période à les rechercher et quels soient à la plage au dans les hauteurs, nous vous promettons de vous les ramener le 20 août à 20 heures précises… Non, mais! En voilà des façons… Pouvez-vous nous prêter assistance, nous vous la rendrons à la date promise. Oui! Voici leur signalement:
Nom: Juillet-Août. Philippe Franck La ville rose du désert: PetraEntouré d'une couronne montagneuse presque impénétrable, le site troglodyte de Pétra est fait de couleurs et de majesté. L'accès à la cité se fait par un canyon impressionnant: le défilé du Siq qui débouche sur un cirque abritant un chef-d'oeuvre architectural de forme, de proportions, de lignes et de couleurs: l'Al Kazneh. Ce monument protégé par sa situation, par le climat, par les Bédouins et par les dieux demeure inaltéré depuis 2000 ans. On croit alors avoir tout vu et voici qu'à chaque angle du chemin, derrière chaque masse rocheuse, surgit un temple, une enfilade de tombeaux ou de colonnes et même un théâtre, tous entièrement creusés dans une roche marbrée de rose, d'ocre, de bleu, de gris. Les Nabatéens, bâtisseurs de la ville. Nomades au départ, les Nabatéens se fixèrent dans le site, attirés par ses avantages stratégiques: une chaîne de montagnes impénétrable et une réserve d'eau qu'ils avaient imaginé de recueillir et de filtrer par un astucieux système de citernes à étages. Ils occupèrent le territoire de l'actuelle Jordanie dès le Vlle siècle av. J.-C. et développèrent le commerce des épices. L'âge d'or du royaume nabatéen s'étend du ler siècle av. J.-C. au ler siècle de notre ère, lorsque la cité atteint son extension maximale et compte environ 30 000 habitants. Dès le ler siècle de notre ère, Les Romains, attirés par sa puissance et sa richesse, annexèrent la région. De cette union naquit un nouveau développement: le théâtre fut agrandi, les édifices s'enrichirent de décorations qui alliaient harmonieusement les divers styles architecturaux. La route principale fut pavée. Mais l'idylle ne dura guère: Rome prit le contrôle des routes commerciales et Pétra fut délaissée. Le second empire fut Byzantin avec l'introduction du christianisme au IVe siècle. Nombre d'édifices furent transformés en églises. Une succession de tremblements de terre fit perdre à Pétra son image de ville sûre. Les dernières traces de résidence fixe consistent en quelques fortifications érigées au XIle siècle par les Croisés. Les Nabatéens, peuple de sculpteurs, construisaient en creusant la roche: ils travaillaient directement la matière première dont ils disposaient en quantité, sans l'extraire de son site. Ceci nécessitait des dessinateurs et des architectes extrêmement habiles… surprenant si l'on songe qu'ils étaient nomades. Ils devaient disposer d'outils, d'équipements adaptés, mais lesquels? En tout cas, leurs artisans, capables de travaux d'architecture, de sculpture et de polissage obéissaient à des projets étudiés dans leurs moindres détails, calculant les proportions avec une précision extrême, prévoyant chaque phase d'élaboration sans erreur, décoration comprise. Il eut été impossible, en effet, d'ajouter un quelconque élément à un travail achevé. C'est beau, c'est grandiose, c'est unique, c'est Pétra. L'IndeSeptembre 2000: l'éditorial de Suzanne FerryL'automne: tombent les feuilles du calendrier qui nous y mènent. L'automne: la saison des poètes, à ce que l'on m'a dit. Les voici donc, ces ménestrels, ces saltimbanques d'aujourd'hui, qui perpétuent l'amour, la révolte et l'espoir, l'humour et la dérision. Les voici donc, le sac gonflé de notes qui ne demandent qu'à s'échapper. Venez donc les entendre. Ils vous surprendront peut-être. Il vous séduiront sans doute. A quand l'« Année de la Chanson »? Elle n'a plus la cote, dit-on. Autant prétendre qu'on a perdu le goût du pain ou qu'on peut vivre sans oxygène. Bénarès… 14 août, 6 heures du mat'« Chez vous, elle rit. Chez les Anglais, elle est folle mais chez nous, par contre, elle est sacrée. » C'est Haque, notre guide indien qui nous parle, tout en contournant un sac d'os à quatre pattes au milieu de la chaussée, sur le chemin qui mène au Gange. L'Inde, captivante, fascinante. On se renseigne, on l'étudie et on a ses a priori, et puis quand même, on est surpris. L'Inde:
Le système des castes en Inde est le résultat de la complexité géographique, sociale, politique et religieuse du pays. S'étendant sur 3000 km du nord au sud, depuis les plus hautes montagnes de la planète au nord jusqu'au delta des fleuves, l'Inde fut longtemps fermée aux autres parties du monde, prospérant et s'enracinant profondément dans son originalité. C'est pour cette raison que sa culture devait résister aux influences des envahisseurs. C'est le système des castes qui, au début, a rendu possible la vie commune deces divers peuples dans des conditions de stabilité relative (nous en reparlerons). Après la vie primitive dans la jungle où l'homme ne domestiquait pas l'animal mais utilisait déjà le fer, il y eut, 4000 ans av. J-C, la société dravidienne, bien plus développée et essentiellement agricole. Puis ce tut l'invasion des Indo-Européens (que l'on a aussi nommés Aryens*), éminemment cultivés, conquérant les peuples habitant le pays en une longue série de conflits violents. Des autochtones se réfugièrent dans les montagnes et les forêts. Ceux qui restèrent devinrent esclaves et convertis au brahmanisme (le système religieux et social qui précède l'hindouisme). On suppose les Indo-Européens originaires de l'Asie centrale. Une partie s'installa en Inde et en Perse, l'autre par le nord-ouest rayonna vers l'Europe. Ces conquérants sont devenus grecs, romains, teutons, slaves et celtes. Les Indiens atteignirent à cette époque (1800 à 1500 av. J-C) un niveau intellectuel considérable. La littérature védique abonde non seulement en codes de droit et en rituels mais aussi en philosophie, astronomie, grammaire. Après cette période troublée, ces lois prirent une forme scientifique dans d'autres branches du savoir. En arithmétique, le monde leur doit l'invention de la notion décimale, que les Arabes empruntèrent et introduisirent en Europe. La géométrie prit ses origines dans les règles de construction des autels, tandis que la connaissance de l'anatomie se développait a partir de la dissection de l'animal offert en sacrifice, la musique et la création d'un système de notes: tout devait être, plus tard, importé en Europe. Le VIIIè siècle vit le début des invasions musulmanes qui se succédèrent jusqu'au XVIè siècle et la mouvance entre les religions évolua souvent en raison des castes et de l'intouchabilité. Beaucoup se réfugièrent dans le bouddhisme pour y échapper. L'Inde a toujours tenté avec beaucoup de courage d'atteindre à la synthèse raciale sans y parvenir en raison de l'énormité du problème. Ce fut l'oeuvre de Gandhi, le père de la nation, qui avait compris que le remède contre ces indispositions nationales ne serait pas d'ordre politique ni économique, mais principalement d'ordre spirituel. Il décida de ramener la nation aux fondements de la religion qui, selon lui et selon l'hindouisme sont de vérité et d'amour pour autrui. *Arya, plus tard aryen: du sanskrit (« noble »), population de langue indo-européenne d'Iran et de l'Inde du Nord. Ce terme, qui n'implique aucune race particulière, fut écarté de la terminologie scientifique française en 1870. Il fut « rattrapé » par l'histoire et la propagande raciste. Le nazisme s'appuyait sur une interprétation mythique de l'histoire valorisant les ethnies germaniques. Suzanne Ferry Miracle à Bénarès Le Gange, fleuve sacré, sert de salle de bain, de toilette, de buanderie, lave les dents et abreuve les Hindous. Il est le réceptacle des cendres de crémation ainsi que d'une foultitude de petits sacs en plastique contenant les offrandes des fidèles. Miracle permanent? L'explication rationnelle de Mark Twain (1835-1910) nous rassure: « Le Gange est tellement pollué que même les microbes ne peuvent y survivre. » Novembre 2000: l'éditorial de Suzanne FerryNotre amie et barmaid préférée, Monique Lemoine, prépare un CD. Nous marquerons d'ici peu l'événement. Fable du temps présent
Petit lapin cherche lopin de terre L'Inde (2): castes et intouchablesJe suis de ceux qui ne voient pas dans les castes une institution nuisible. A l'origine, c'était une coutume saine, tendant au bien de la nation… (Gandhi). Pourtant, le mahatma (traduisez « la grande âme ») combattit énergiquement la notion d'intouchabilité, cause de tant d'injustice et de violence. Au départ, la philosophie indienne pouvait se résumer en deux mots: fédéralisme social (Varnâsrama Dharma) déjà instauré à l'âge védique (1800-1500) pour sauver la société d'un chaos suicidaire revenant sporadiquement. Il en découla quatre groupes spécifiques ayant des fonctions et des privilèges bien définis:
Chacun avait l'occasion de mettre ses facultés en valeur. Personne n'interférait dans le domaine de l'autre. La paix sociale ne pouvait être menacée de grèves. Les affaires ne pouvaient pas contrôler la politique, etc. C'est ainsi qu'on avait tenté d'éliminer le danger d'exploitation d'un groupe par un autre. Chacun transmettait son savoir à sa descendance. Les occidentaux voient souvent dans ce système une hiérarchie fondée sur l'exclusion. Les hindous y voient l'intégration. Le fait d'appartenir à une caste à quelque chose d'éminemment rassurant. Mais d'où vient cette notion d'intouchablité que Gandhi a tant combattue en même temps qu'il essayait de bouter l'Anglais dehors par sa résistance passive d'abord, active ensuite, mais toujours non violente? Il existe plusieurs théories sur le point de départ de l'intouchablité.
Les Broken Men, mangeurs de boeuf, devinrent intouchables de même que certains Sudra (caste inférieure) et ceux qui, suite à un mariage hors caste devenaient des exclus. Passionné de liberté, Gandhi ne pouvait souffrir l'intouchabilité, cette situation humiliante d'une population condamnée à vivre en dehors de la civilisation, sans facilités sociales, contrainte aux travaux les plus sales. Il nommait les intouchables harijan, « fils de Dieu. » Une religion qui contient une si grande injustice vis-à-vis du prochain, disait-il, n'est pas une religion, mais un complot de Satan. L'Inde condamne ouvertement aujourd'hui la notion d'intouchable (loi de 1955), mais il faudra quelque temps encore pour changer les mentalités. Aucun progrès ne peut être acquis par une société sans passer par la souffrance, et c'est là que le matérialisme est désarmé Sagesse indienne Un paysan hindou va voir le yogi.
- Je n'en peux plus. Nous vivons à huit dans une cabane branlante. Les enfants hurlent. On n'a pour toute nourriture que le lait de la vache. Qu'est-ce que je dois faire? Quinze jours se passent. Le paysan revient. - Maintenant, c'est l'enfer, les enfants sont malades, il fait sale, la vache nous réveille. Que faire? Et le yogi dit: - Mène la vache dehors. Moralité: si tu as connu le pire, le reste te semblera doux et facile. Janvier 2001: l'éditorial de Suzanne FerryLe rallye des café-théâtres (10 mars 2001) Annoncé déjà par L'Os à Moëlle et La Soupape, ce rallye inspiré des rallyes jazz et jazz marathon devait permettre de visiter en un soir quelques fleurons des Cafés-Théàtres bruxellois (Samaritaine, Soupape, La Rue, Le Cercle, Cabaret aux Chansons, Le Café, L'Os à Moëlle…) Mais des dispositions budgétaires contraignantes limitent l'organisation de ces spectacles aux quatre établissements qui l'avaient déjà programmé. Notre sympathique Didier Arcq (des Biennales de la Chanson et père de cette initiative) nous promet pour septembre une nouvelle édition ouverte à tous. Bons princes, les laissés pour compte souhaitent bien sincèrement un grand succès aux groupes prévus le 10 mars à La Samaritaine, La Soupape, L'Os à Moëlle et La Vénerie. un bus vous déposera et vous attendra pendant la demi-heure de spectacle qui vous y sera proposée avant de vous acheminer vers l'étape suivante. Et si, par hasard, la soirée était trop courte à votre gré, sachez que le Cabaret aux Chansons ferme rarement ses portes avant 2 ou 3 heures du matin et qu'il reste toujours quelques chansons à partager dans le coeur des artistes présents. Qu'on se le dise! « La chanson est parmi nous. Impossible de l'ignorer. Elle a beaucoup à à nous apprendre. Puissance fragile, elle est et sera éternellement remise en question. Accrochée au sommet par les uns ou en bas de l'échelle par d'autres, que sera-telle en l'an 2000? Je l'ignore. Tout ce que je souhaite, c'est qu'elle demeure, miroir fidèle où nous pouvons au jour le jour contempler notre image et celle de notre environnement social, et y découvrir comme Alice au Pays des Merveilles les dimensions d'un univers infiniment plus vaste. Et vous, chantant ou écoutant, vous saurez qu'on ne franchit pas deux fois du même pas ce pont de musique et de paroles, cette grande voie de communication faite de tant de voix animées par quelque chose qu'il faut bien appeler l'amour. » Angèle Guller, Le 9e Art, 1978 L'Inde (3): le mariageL'Hindouisme considère le mariage comme sacré. Un dieu hindou a toujours une épouse. Shiva ne se trouve jamais seul au temple; Parvati, sa contrepartie, l'accompagne. Ils sont souvent représentés sous forme de double symbole sexuel. L'amour physique est sublimé. On a toujours recommandé la monogamie, mais un homme dont la femme est stérile peut prendre une seconde épouse sans que sa réputation en souffre. Seuls les rois et les chefs étaient presque invariablement polygames. Ce sont les parents qui choisissent les conjoints de leurs enfants selon des critères objectifs tels que caste, situation sociale, horoscope, dot (maintenant interdite par la loi, un fardeau écrasant pour qui mariait sa fille). Les futurs époux sont cependant libres d'accepter ou de refuser et, de plus en plus, ils influencent le choix des parents. Les rites matrimoniaux se célèbrent le soir. L'heure est fixée par de savants astrologues. Les rites prénuptiaux se déroulent sans interruption durant trois jours et continuent d'autant après la cérémonie. Tambours, flûtes, cymbales, chants populaires mélodieux) accompagnent les filles et les femmes allant de temple en temple en saris chatoyants et voiles colorés pour attirer la bénédiction divine sur les jeunes époux. La famille indienne continue d'être une grande famille comprenant oncles, tantes, cousins, et tous sont consultés. Le lien matrimonial est indissoluble une fois qu'on a fait les sept pas, rite prescrit par la cérémonie nuptiale. Le divorce est considéré comme le pire échec. La femme, dans l'optique indienne, a toujours été très honorée et estimée, contrairement à l'impression qu'ont les occidentaux. La tradition lui réserve une place de choix. Sans doute, son éducation est moins poussée. La femme orthodoxe marche derrière son mari et ne s'assied pas à sa table. La fillette est moins appréciée que ses frères dont elle s'occupe affectueusement, mais ce serait une erreur de croire que la femme indienne est asservie. Cependant, bien que considérée comme l'égale, elle est soumise à son mari et surtout à sa belle-mère qui régente toute la maisonnée. Elle conquerra toute sa dignité lorsqu'elle sera mère, surtout d'un fils. Les fils ayant grandi et pris une épouse choisie par les parents, elle aura mainmise sur tout et tous, filles et belles-filles en particulier. Mais, en attendant, interdiction d'élever la voix en présence des membres plus âgés. Elle est souvent, par définition, considérée comme hostile par sa belle-famille. Son pouvoir, elle l'imposera la nuit. Son empire s'exerce dans l'alcôve, véritable combat pour la prédominance, le premier devoir du mari étant de la satisfaire. Pour les hindous, la sexualité représente un des aspects positifs de l'existence. C'est Haque (voir premier volet) qui explique « Chez vous, on est amoureux et puis on se marie. Chez nous, on se marie, puis on est amoureux. » L'oeil malicieux, il ne fit aucun commentaire. L'Inde, multiple, foisonnante et variée, tellement fidèle à ses traditions, Gandhi nous la résume « Les vérités, différentes en apparence, sont comme d'innombrables feuilles qui semblent différentes et sont sur un même arbre. » Mars 2005: l'éditorial de Suzanne FerryJ'ai serré la main d'un coupeur de tête? Bornéo le 8 janvierCette île, 3e dans le monde par sa grandeur, est divisée d'ouest en nord-est. Le premier tiers supérieur de sa superficie fait partie de la Malaisie, dont l'Etat central se trouve sur le continent autour de la capitale Kuala Lumpur, entre Thaïlande et Singapour. Le sud de Bornéo est indonésien. C'est donc dans le nord de l'île que se trouve, entre autres, le lac de Batang Ai, dans la forêt profonde, accessible, après 2 heures de canot à moteur, et là que vit dans des villages « longhouse », la tribu des Ibans qui a gardé ses coutumes ancestrales ; des maisons sur pilotis, longues parfois de 150 m, divisées en habitations contiguës où chaque famille se retrouve sur la longue terrasse couverte. Les trois générations de chaque famille vivent dans le même espace et se partagent les tâches, semblables depuis des siècles ; artisanat, pêche, chasse, danses ancestrales. Je vous rassure de suite : on n'y coupe plus les têtes - les missionnaires sont passés par là - et les trophées n'ornent plus l'intérieur des habitations. Le dernier cas recensé date de 3 ans seulement. C'était le signe de leur maturité. Le fiancé devait, pour être accepté par le père de sa promise, faire la preuve de sa bravoure. Il avait droit, à chaque action courageuse ou talentueuse, à un tatouage correspondant. S'il se trouve sur la main droite, c'est la trace de l'exploit suprême, c'est comme cela que nous avons reconnu le « valeureux » qui nous serra la pince. Pour leur conservation, les têtes étaient maintenues dans l'eau courante d'une rivière pendant plusieurs semaines, jusqu'à ce que toutes matières pourrissables s'éliminent, ou alors on les fumait - comme des jambons ! Elles prennent dans ce cas des reflets brunâtres qui ajoutent encore à l'expression ! Nous en avons vu une vingtaine au musée de Kutching (la ville des chats). Plus qu'impressionnant ! L'orang-outang Traduisez : « l'homme des forêts ». C'est ainsi que les explorateurs au XVIIIe siècle appelaient ces singes, qu'ils ont pris « pour des hommes hirsutes vivant haut dans les arbres », génétiquement très proches de l'homme. On ne les trouve que sur l'île de Bornéo et à Sumatra. Ils ne sont pas vindicatifs malgré leur force herculéenne comparable à celle de 7 ou 8 hommes réunis. Ce sont des solitaires, qui ne vivent ni en tribu ni en famille. Ils ont besoin d'un territoire énorme pour trouver une nourriture suffisante: baies, fruits, et feuilles principalement. Ils font 3 nids par jour. Ils y font tout, même leurs besoins, c'est pour cela qu'ils doivent en changer. Au crépuscule, nous avons pu en observer un au sommet d'un arbre, arrachant moult branchages pour passer la nuit. On dit « agile comme un singe » ; ce n'est pas son cas, il est balourd. Après une gestation de 9 mois, il reste avec sa mère durant 7 ans. Il est incapable de se débrouiller s'il se retrouve seul - l'abattage sauvage des arbres sépare souvent les petits de leur mère. Le Centre de réhabilitation de Sepilok recueille les petits orphelins et les rééduque durant des années, les renvoyant progressivement dans la forêt, les préparant à leur vie de solitaire. Il faut tout leur apprendre, même à vaincre leur peur du vide en les habituant à évoluer de plus en plus haut. Lâchés dans la forêt, ils peuvent, au début, revenir deux fois par jour au Centre pour profiter de la distribution des bananes et de lait qu'essayent de leur chaparder les malins macaques. Après quelques pirouettes, tout ce petit monde s'enfonce dans la jungle habitée par des ethnies aux coutumes typiques, des mammifères propres à ces lieux, des myriades d'oiseaux multicolores? Cette forêt vierge dont le sol fait de boue renferme des insectes et des sangsues qui ne demandent que quelques millimètres de votre peau pour vous aspirer le sang, cette forêt tant convoitée et menacée qui lance un SOS et réclame toute notre vigilance. |